6 mai
Aujourd’hui, tenue de soirée et allons à l’opéra. Durant cette période bénie pour l’amateur rien de plus facile que de se transporter au MET, à Bastille, au Mariinsjky sans bourse délier ni aggraver son bilan carbone. Et, contrairement à une idée reçue, l’opéra est d’une grande modernité.
Certes, regarder un opéra sur un écran c’est un peu comme voir ses petits-enfants sur WhatsApp plutôt que de les tenir sur ses genoux.
On peut revoir une œuvre à de multiples reprises, c’est toujours comme si c’était la première fois contrairement à un film qui sera toujours pareil, même si à la énième projection vous y découvrez encore un détail qui vous avait échappé. L’intrigue, le dénouement ne changent pas mais la mise en scène, les décors, les costumes et surtout l’interprétation ne sont jamais les mêmes.
Chaque spectateur se fait une compréhension qui lui est propre, quant à moi c’est la place qui est donnée aux femmes qui me parait le plus remarquable. Ce n’est pas un hasard si les chanteuses sont tellement admirées, adulées. Des diva.
Elles tiennent souvent le premier rôle ou du moins leur rôle est le plus déterminant.
Carmen, l’opéra le plus représenté, c’est d’abord l’histoire d’une femme libre, mais celle interprétée par Elīna Garanča, n’est pas celle mise en scène par Tcherniakov. Deux Tosca, Sonya Yoncheva, Anja Arteros tuent le sinistre Scarpia avec la même détermination et n’ont qu’à se laver les mains tachées de sang tandis que le jaloux Don José ne pourra que supplier qu’on vienne l’arrêter après avoir assassiné Carmen. Miah Persson, une Dona Elvira bafouée, trompée, abusée est bouleversante. Et les minauderies de la Suzanne de Regula Mühlemann ne l’empêche pas de tenir la dragée haute à Almaviva. Et que dire de la Violetta de Patricia Ciotti, qui même après que le rideau soit tombé continue à vivre dans la peau de son personnage tandis qu’Anna Netrebko vous arrache des larmes dès la première scène.
Il y a aussi des personnages masculins, avec des voix magnifiques certes, comme Jonas Kaufman mais, moralement, ils sont rarement à la hauteur des héroïnes, veules, jaloux, pervers. Même Titus n’est clément que par raison d’Etat. Peu nombreux sont ceux qui échappent à ses bassesses, le regretté Dmitri Hvorostovsky parvenant seul à nous convaincre de la bonté de Germont. Mais paradoxalement le personnage le plus noble, le plus humain n’a pas un rôle chanté, Selim Pacha dans l’Enlèvement au sérail, confié alors à un grand acteur de théâtre, Klaus Maria Brandauer fut de ceux-là.
Si l’opéra ne lasse jamais son public je crains, moi, de lasser d’éventuels lecteurs ou lectrices de cette page mais, comme on nous présage déjà une deuxième vague, je pourrai alors à nouveau essayer de leur faire partager mon enthousiasme.