5 mai
Aujourd’hui, conte drolatique, épilogue.
Dès qu’il eut achevé son récit, Grand ours se rassit, épuisé. Les voutes de la caverne résonnèrent des cris et des chuchotements et des applaudissements de son
petit public d’oursons qu’il avait transporté dans un il était une fois pas encore advenu.
Il engagea la discussion avec eux et leurs parents venus écouter ce membre de la fameuse caravane des conteurs. Ce n’était pas tous les jours qu’ils avaient
l’occasion d’entendre d’aussi belles histoires racontées avec une voix aussi grave.
Quel monde allaient-ils découvrir après cette longue hibernation ? La plus longue jamais connue de mémoire d’ours. Les hommes auraient-ils changé ? Seraient-ils devenus moins prédateurs de toutes
les ressources que leur offrait la nature ? Moins montreurs d’ours ? Et commenceraient-ils enfin à s’intéresser à l’essentiel ?
A toutes ces questions Grand ours ne savait quoi répondre, il n’était qu’un modeste conteur pas un scientifique. Au fond de lui, il craignait fort que tout fût pire qu’auparavant car les hommes
ne tirent jamais les leçons de leurs infortunes. Bien sûr ils prennent de grandes et bonnes résolutions mais elles ne durent pas bien longtemps.
Combien de temps encore survivrait sur sa banquise qui rétrécissait de jour en jour, le majestueux ours blanc ? Quand les trappeurs cesseront d’épauler leurs fusils en direction du noir Grizzly
dans les grandes forêts d’érable ? Et les beaux pandas ne continueront-ils pas à grignoter leurs tiges de bambou derrière des barreaux ? Et l’ours à lunettes si drôle, qui avait tant faire rire
les petits continuerait-il à figurer sur la liste des espèces en voie de disparition ? L’espoir viendra-t-il de l’agaçante petite oursonne qui, à force de s’époumoner à crier que la maison brûle,
finirait peut-être pas être entendue ? Rien de moins sûr, hélas !
Mes enfants, la semaine prochaine, quand l’hibernation s’arrêtera et que vous pourrez retourner à l’école, si d’ici là rien ne change évidemment, vous demanderez à vos maitres et à vos maitresses
de vous aider à comprendre le conte que je vous ai raconté. Ils pourront peut-être répondre aux questions que vous vous posez et dont, moi qui suis trop vieux maintenant, je n’ai pas la
réponse.
La seule chose dont je suis sûr c’est que si vous voulez survivre dans ce monde de fous il va falloir vous serrer les coudes, ne plus baisser le museau et sortir les griffes.