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    Aujourd’hui, je crains fort qu’il ne soit pas permis à un impie de parler de
    la fête des Rameaux que célèbrent les croyants.
    Mais il n’est pas interdit à un amoureux des ânes de discourir à leur
    sujet.
    Or, il se trouve que l’un des plus beaux portraits d’âne a été
    peint par Giotto pour illustrer le panneau consacré à l’entrée de Jésus à Jérusalem quoique celui qu’il fit de la Fuite en Egypte lui ressembla comme un frère. Vous
    pourrez l’admirer lorsqu’on vous aura
    déconfiné, décontaminé, désintoxiqué, et que vous aurez à nouveau le droit de voyager partout, en Italie en particulier et à Padoue précisément. Mais en attendant vous pouvez surfer sur le net et
    avoir un aperçu des merveilles en question et vous faire votre propre interprétation plus respectueuse des mystères de la religion sans pourtant, j’en suis sûr, différer de la mienne quant à
    beauté de la dite fresque et à celle de l’âne ici représenté majestueusement.
    On peut constater que le peintre a accordé une attention au moins aussi grande, sinon plus à l’âne qu’au personnage qu’il transporte. Il occupe le centre du panneau et on ne voit que lui, le gris
    de son poitrail se détache du fond bleuté, son encolure blanche semble éclairée par en dessous. Ses yeux respirent la bonté et peut-être une pointe de fierté d’avoir été choisi pour cette
    occasion. Ses naseaux blancs font penser à la barbe d’un patriarche bienveillant. Ses grandes oreilles noires, penchées sur le côté démontrent assez son contentement. Peut-être, si nous ne le
    savions foncièrement humble, pourrait-il croire que les enfants qui se prosternent à son passage le font pour lui.
    Son pas est tranquille, assuré, digne ; il ne regimbe pas comme font souvent ses congénères, accusés bien à tort d’être de fieffés têtus, et de n’avancer qu’avec la promesse d’une carotte ou la
    menace d’un bâton.
    L’âne a sur l’homme l’intelligence de ne marcher que selon son bon vouloir.
    Et, il se trouve que ce jour-là, il voulait bien. Par un effet de la grâce divine ? Je devine que c’était surtout parce que le printemps était revenu, que les filles sont jolies quand le
    printemps revient, qu’il trouvait que la vie était belle et qu’il se réjouissait à l’avance de pouvoir aller s’abreuver à la fontaine et que quelqu’un lui donnerait du son sans qu’il ait besoin
    de faire l’âne.
