 
    
    1 avril
    Aujourd’hui, comme tous les matins, je suis parti de bonne heure
    faire mon footing au bord de la mer malgré la température un peu basse. Les écouteurs dans les oreilles j’écoute France Culture comme d’habitude ; une radio sérieuse, qui vérifie ses
    informations, évite les canulards, et ne fait pas dans la gaudriole. Le bulletin d’information n’était pas rose du tout, ça a commencé avec la Chine, puis l’Italie, la France ; et, en France,
    catastrophes sur catastrophes. Au début, j’ai
    eu un petit peu peur. Puis, je me suis dit qu’ils exagéraient. Des trucs à vous donner froid dans le dos si je n’avais pas été en train de transpirer. C’est alors que je me suis souvenu de cette
    fameuse émission de radio d’Orson Welles, en 1938, qui avait déclenché la panique, les auditeurs ayant vraiment cru à une invasion d’extra-terrestres. Ici, en 2020, les gens, j’en suis sûr, ne
    vont pas se laisser attraper aussi facilement. J’étais presque arrivé au terme de mon parcours de 10 km quand je me suis fait aborder par une voiture de gendarmerie ; des pandores masqués me
    demandent mon ausweis. Nous ne sommes plus en 1940, les gars et puis, taquin, vous ignorez la loi, messieurs, il est interdit de sortir avec le visage dissimulé.
    C’est là que j’ai posé la plume pour terminer mon petit déjeuner, le meilleur moment de la journée. Il faut que je vous dise que j’attends pour me lever que résonne dans mon radio réveil les
    premiers arpèges, ce matin, un quatuor à cordes. Depuis le 14 mars j’ai modifié la programmation des chaines radio pour éviter les journaux avec leurs commentaires, leurs statistiques, leurs
    horreurs.
    L’odeur du café se répand tout doucement dans la maison et j’attends encore un peu mon petit déjeuner. Non pas que me le servent au lit une accorte soubrette ou un valet stylé mais que la
    cafetière, programmée la veille, ait fini de laisser passer le café. Je ne suis pas si pressé de le boire. Mais j’aime le sentir, le humer ; je le suis à la trace depuis la cuisine jusqu’à ma
    chambre. Et lorsqu’enfin je me lève, ouvre les fenêtres je peux respirer son odeur mêlée à celles du thym, du romarin, de la lavande qui fleurissent dans mon jardin. Les premiers rayons de soleil
    allument les collines voisines. Et ça ce n’est pas une blague.
