23mars
Aujourd’hui, je voudrais vous communiquer la lettre que je viens d’écrire, lettre ouverte en quelque sorte. A une amie chère. Non, ne vous attendez pas à des indiscrétions de mauvais aloi, des déclarations enflammées, de tendres aveux. C’est la première fois que je lui écris et, d’ailleurs je ne l’ai jamais rencontrée. C’est une jeune fille qui me fascine depuis quelques mois. Elle n’a que 17 ans. Je ne suis pas certain qu’elle comprenne le français, mais qu’importe.
D’aucuns n’ont pas hésité à la traiter de morveuse qui ferait mieux d’aller à l’école (aujourd’hui plus personne n’y va). Ses tresses et son ciré jaune ne lui donnent pas un look de top-model. Et que n’a-t-on pas entendu pour la moquer, la ridiculiser, l’outrager. Je préfère ne pas faire de citations de propos qui déshonorent leurs auteurs. Bref, voilà ce que je voulais lui dire :
Chère Greta,
Depuis quelques mois, tu es partie en croisade contre le réchauffement climatique, ralliant derrière toi et ta petite pancarte des millions de jeunes à travers le monde. Tu n’as pas la prétention de ceux qui savent toujours tout sur tout. Tu t’es faite, modestement, la porte-parole des scientifiques qui disaient qu’il y avait urgence mais que personne n’écoutait. Et voilà que toutes les mesures qui auraient dû être prises mais qu’il semblait impossible à mettre en œuvre, se trouvent appliquées, par la magie d’un minuscule virus. Les émissions de carbone des voitures, des avions, des usines ont chuté rapidement. Certes, il va y avoir beaucoup de dégâts collatéraux comme on dit, mais la planète va mieux respirer. Etrange paradoxe où tant de gens ne le peuvent plus. Peut-être que cela ne durera pas et que, passée la pandémie, la frénésie s’emparera des survivants, plus de ceci, plus de cela. Mais, chère Greta, on a bien le droit de rêver et croire que les humains qui l’auront échappé belle prendront des décisions raisonnables après s’être posé cette question « est-ce-que le dérèglement climatique n’aurait pas conduit la Nature à s’autoréguler de manière drastique et aveugle, comme les dieux vengeurs de l’Antiquité ? ». C’est une hypothèse osée ?
Chère Greta, je vais bien et j’espère qu’il en va de même pour toi et ton rôle est loin d’être terminé.
Comme le dit Francis, un ami poète à ses heures, je t’embrasse puisque par courrier on ne risque rien.